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Bannière de l'article sur l'Histoire de l'avortement en France
L’histoire de l’avortement en France
Depuis toujours, certaines femmes enceintes ne souhaitent pas poursuivre leur grossesse. Au fur et à mesure du temps, les lois ont évolué pour encadrer les avortements, aussi appelés IVG. Dans cet article, nous nous pencherons sur l’histoire ed l’avortement en France à partir de Napoléon Ier. Suite à la décision de la Cour Suprême des États-Unis de renverser Roe v. Wade, nous avons préparé un article pour comprendre si le droit à l’IVG en France est menacé, et un autre sur ce que le droit permet pour l’IVG en France.
 
En France comme ailleurs, tout le monde ne s’accorde pas sur la question de l’IVG. La majorité de la population française reconnaît néanmoins la nécessité de l’autoriser; un avis partagé par l’ensemble des courants féministes qui militent pour que les femmes aient le droit de disposer de leurs corps et la possibilité d’avorter dans des conditions saines et sans risque pour leur santé, quels que soient leurs moyens ou leur lieu d’habitation.

Sommaire

I. Le code napoléonien

La possibilité pour les femmes d’avorter a presque toujours été contestée, et parfois sévèrement encadrée par la loi. Sous la Révolution Française, le code Pénal de 1791 abolit la peine de mort pour les avorteurs et avorteuses (réalisant l’avortement) qui sont désormais “punis de 12 années de cachot” (article 25), et supprime également toute peine pour la femme qui avorte. Mais en 1810, le Code Pénal napoléonien voit le jour et l’avortement devient un crime aux yeux de la loi. L’article 317 punit d’un à cinq ans de réclusion la femme qui avorte et le « tiers avorteur » (la personne qui pratique l’avortement). Cependant, à cette époque, la société est régie par le malthusianisme , pour limiter les frais des plus pauvres, expliquant ainsi la majorité des acquittements. À la fin du XIXème siècle, le néomalthusianisme encourageait l’avortement.

II. Post Première guerre mondiale : un État nataliste

Face aux saignées démographiques de la Première guerre mondiale, l’État adopte une politique nataliste. L’avortement devient alors un crime anti-patriotique. En 1920, la loi “scélérate” interdit toute propagande néomalthusienne : la contraception, vue comme une incitation à l’avortement, est donc interdite. En 1923, le nombre d’IVG reste stable, les juges d’Assises sont donc considérés trop laxistes. L’avortement passe alors de crime (jugé par un jury populaire à la cour d’Assises) à délit (jugé par des juges professionnels), afin de punir les femmes qui avortent (et leurs complices) moins sévèrement mais systématiquement. Par conséquent, davantage de femmes sont condamnées à la prison. Cette décision s’accompagne d’une politique nataliste incitative (avec une prime à la natalité par exemple).

III. Pendant la Seconde guerre mondiale et sous le régime de Vichy

Le 20 juin 1940, deux jours avant d’obtenir l’armistice, le maréchal Pétain proclame :

“Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés, voilà les causes de notre défaite"

Le 15 février 1942, la loi considère que l’avortement est un crime contre la sûreté de l’État français, et le rend passible de la peine de mort pour toutes les personnes impliquées. Les femmes qui pratiquent l’opération, appelées les “faiseuses d’anges”, incarnent la figure de l’ennemie pendant la période pétainiste : certaines, dénoncées, seront guillotinées, comme l’ont été Marie Louise Giraud (qui a pratiqué 27 avortements) et Désiré Pioge (3 interventions). La politique nataliste prend de l’ampleur, la devise “Travail, Famille, Patrie” remplace la précédente, Pétain met en place une charte de la famille qui cantonne la femme à un rôle de femme au foyer. La propagande pro-famille bat son plein et les murs sont placardés d’affiches proclamant :

“Toi qui veux rebâtir la France, donne-lui d’abord des enfants"; "Avorter, c’est refuser ton bonheur en détruisant la vie!".

IV. L’après guerre et la promotion illégale de la contraception avec le Planning Familial

Des années 1950 aux années 1970, les femmes risquent la prison et des poursuites judiciaires si elles avortent ; mais la situation évolue pour réduire progressivement les avortements clandestins et leurs complications. En 1955, l’avortement thérapeutique est autorisé lorsque la vie de la femme est en danger ou lorsqu’elle a été victime d’un viol. En 1956, l’association “La maternité heureuse” naît, juste avant le “Mouvement Français pour le Planning Familial” quatre ans plus tard. Créée clandestinement, elle vise à réduire considérablement les avortements clandestins en France, alors estimés entre 400 000 et 600 000 par an. Le MFPF prend le relai dès 1960 en s’affirmant “féministe et d’éducation populaire”. Il réunit des femmes et des hommes décidés à faire mettre fin à la propagande anticonceptionnelle en France et à abroger la loi de 1920 qui interdit l’avortement. Pour cela, les militants et militantes font acheminer d’Angleterre puis vendent illégalement des produits anticonceptionnels (diaphragmes et gelées spermicides). Le mouvement s’amplifie, des centres du Planning Familial se développent clandestinement, des médecins prescrivent des contraceptifs illégaux. En décembre 1967, l’Assemblée nationale vote la loi Neuwirth, autorisant la fabrication et la délivrance de contraceptifs sur ordonnance, après les décrets d’application en 1971. Suite à cette victoire, le MFPF s’intéresse à la sexualité en termes de classes sociales et aux luttes contre les inégalités économiques et sociales.

V. Entre la création du MLF et le Manifeste des 343

La couverture du magazine du Nouvel observateur - Photo : Service d'information du Gouvernement
En parallèle de la mobilisation du MFPF naît, le 26 août 1970, le MLF, “Mouvement pour la Libération des Femmes” – inspiré du Women’s Lib américain – qui contribuera grandement à l’avancée du droit à l’avortement en France et s’imposera comme mouvement social incontournable sur la scène politique. Le mouvement organise de nombreuses manifestations, des réunions non mixtes, édite son propre journal “Le torchon brûle” et contribue à la libération de la parole. Le 5 avril 1971, de nombreuses militantes du MLF signent le Manifeste des 343, coup d’éclat décisif dans la lutte pour la légalisation de l’IVG qui aura lieu 4 ans plus tard. 343 femmes, dont Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi, Catherine Deneuve et d’autres, célèbres et anonymes, affirment dans Le Nouvel Observateur avoir avorté, et ce malgré les risques de poursuites pénales. Brisant le silence en rappelant que chaque année un million de femmes avortent en France de façon clandestine et dangereuse (et parfois seules), ce manifeste inscrit l’avortement et la libre disposition de son corps dans le répertoire des revendications féministes. Suite à cette publication, les manifestations pro avortement et pro contraception deviennent de plus en plus importantes, initiées par des mobilisations du MLF.
Le procès de Bobigny le 8 novembre 1972 sera lui aussi retentissant : Marie-Claire Chevalier, 16 ans, tombe enceinte des suites d’un viol et avorte avec l’aide de sa mère et trois complices, malgré leurs difficultés financières. La jeune femme est alors dénoncée par son violeur, mais elle est finalement relaxée grâce à la célèbre plaidoirie de l’avocate Gisèle Halimi. Si Marie-Claire Chevalier, sa mère Michèle et ses deux amies et collègues (qui ont revendiqué le droit d’aider) échappent à la condamnation ou sont relaxées, il n’en va pas de même pour la “faiseuse d’ange”, qui elle écope d’un an de prison avec sursis et une amende. Quelques mois plus tard, inspirés par le Manifeste des 343, des médecins rédigent “le Manifeste des 331” dans lequel ils reconnaissaient avoir pratiqué des avortements illégaux, malgré le risque d’être radiés de l’ordre des médecins.
Le Procès de Bobigny avec Gisèle Halimi (à gauche), avocate de Marie-Claire Chevalier (au 1er plan), 22 novembre 1972. Keystone France/Gamma Rapho

VI. De la loi Veil à nos jours

Les années 1960-70 poussent sur le devant de la scène la nécessité d’imposer le débat sur la légalisation de l’avortement, un sujet qui constitue à la fois un problème sanitaire majeur mais aussi une revendication politique : celle de la libre disposition des femmes sur leur corps. Alors ministre de la Santé, Simone Veil prononce un discours devant l’Assemblée Nationale – composée à 95% d’hommes – en 1974. Elle y démystifie le lien entre la légalisation de l’IVG et le niveau de natalité, peur principale de l’époque à cause d’une démographie en baisse. Les éléments majeurs à retenir de son discours sont :

  • l’affirmation que les avortements légaux remplaceront seulement les avortements clandestins
  • la volonté de mettre fin aux IVG clandestines et la nécessité d’un encadrement médical pour que les avortements soient pratiqués uniquement en milieu hospitalier ;
  • la volonté de remettre la décision d’avorter à la femme, quelles que soient ses raisons ;
  • l’accent mis sur la solitude et l’angoisse des femmes qui vivent un avortement ;
  • la nécessité d’écouter les femmes, de les aider financièrement, de les éduquer et orienter vers la contraception en premier lieu ;
  • l’obsolescence de la loi de 1920 qui interdisait la propagande pro contraception et pro avortement.

"Aucune femme ne recourt de gaîté de coeur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame. (..) Elles feront tout pour l’éviter ou ne pas le garder, et personne ne pourra les en empêcher. (...) Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui chaque année mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent nos lois, qui humilient ou traumatisent celles qui en recourent. (...) Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue".

Discours de Simone Veil à l’Assemblée nationale
En 1975, la loi dite « Simone Veil » dépénalise l’avortement en France – pendant 5 ans d’abord, puis définitivement en 1979 -, jusqu’à 10 semaines de grossesse. Malgré tout, l’IVG n’est pas remboursée par la sécurité sociale (elle le devient complètement en 2013), afin d’en faire une solution de dernier recours uniquement. Au fur et à mesure des années, les lois se succèdent pour garantir un respect et un accès effectifs au droit à l’avortement et au droit de disposer de son corps (création du délit d’entrave à l’IVG, prise en charge progressive de l’avortement par la sécurité sociale, allongement du délai légal…).
L'histoire de l'avortement en France, ©La ReF media, 2023

Merci à Naël pour la bannière !

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