Rencontre avec Jeanne Causse, créatrice du Studio Francosse, une marque parisienne de broderies “impertinentes et libérées”. Elle revient sur son parcours, le développement de sa marque, son expérience d’auto-entrepreneuse ainsi que sa démarche féministe.
Jeanne Causse nous ouvre les portes de l’atelier Studio Francosse à Paris. « Je m’appelle Jeanne, j’ai vingt-huit ans, je viens de Nice mais j’habite à Paris ». Son parcours académique est aussi diversifié que riche. « J’ai fait des études d’histoire, d’allemand, de géopolitique, de relations internationales, » explique-t-elle. Et c’est dans l’humanitaire qu’elle a trouvé sa première vocation « J’y ai travaillé pendant deux ans, en Grèce et en France. Notamment avec les populations exilées et réfugiées, demandeurs d’asile, etc. » Jeanne y a hélas vécu une expérience “traumatisante”, à cause de la réalité du terrain en Grèce mais aussi du fait de l’absence totale d’accompagnement psychologique. Les bénévoles et travailleurs sur place ne sont pas préparés aux violences auxquelles ils vont faire face.
Suite à son master et son alternance dans l’humanitaire en France, Jeanne décide de faire une pause et part voyager au Chili. « J’ai ressenti beaucoup d’angoisse et d’anxiété. J’avais besoin d’une pause et je n’étais pas prête à retourner dans l’humanitaire. »
C’est au cours de ce voyage que les débuts de Francosse ont commencé. « On est partis en Amérique du Sud avec mon copain en van – et le COVID nous étant tombé dessus, on a dû s’arrêter. On s’est retrouvés confinés pendant trois mois et demi dans une auberge de jeunesse au Chili, » raconte Jeanne. Confinée, elle a trouvé un exutoire dans la broderie, une technique qu’elle a apprise grâce à des vidéos YouTube. « Je me suis d’abord entraînée sur un torchon, je faisais des lignes de points, » dit-elle. « Après, j’ai brodé sur des t-shirts, des culottes, sur tout ce que j’avais sous la main car au Chili je n’avais rien. J’ai acheté des toiles à patron et des toiles de coton dans la petite mercerie du village. Je découpais des petits carrés que je brodais. Je suis revenue [en France] avec une pochette remplie de broderies.En fait, je faisais ça toute la journée.»
« J’ai tout de suite commencé à broder des corps de femmes. C’est vraiment venu tout seul. » Les premiers retours positifs n’ont pas tardé, notamment de la part de son frère, qui lui a proposé de créer une collection de t-shirts pour les serveurs de son restaurant italien à Nice. Ce projet initial, simple et familial, a marqué les premiers pas de Francosse, mais la marque n’existait pas encore. De retour en France, Jeanne a continué la broderie tout en parcourant le pays en van, envoyant ses créations depuis différents campings. Sa première collection a donc débuté dans le « mood itinérant ».
En janvier 2021, Jeanne décide de structurer davantage son projet. « Je me suis auto-formée grâce à un réseau qui s’appelle la F Collective [réseau de femmes entrepreneures] à Lille, mais en ligne. » Ce programme de formation lui a permis d’acquérir des compétences essentielles en communication, marketing et gestion financière. « Je me suis mise à fond sur Instagram, puis au fur et à mesure, et grâce aux différentes collabs, j’ai commencé à gagner des abonné·es. »
L’arrivée de sa première alternante a marqué un tournant décisif dans la structuration du Studio Francosse. Ensemble, elles ont travaillé sur l’image de la marque et développé une identité visuelle cohérente et attrayante. « La structuration s’est faite au fur et à mesure, parce que pendant longtemps c’était freestyle. »
L’apprentissage des compétences en business et en marketing a été clé pour Jeanne, qui admet ne pas avoir eu naturellement la fibre entrepreneuriale. « Le business n’est pas donné à tout le monde et il y a beaucoup de créatifs qui ont du mal à décoller pour cette raison. Moi, je ne l’avais pas du tout mais j’ai trouvé passionnant d’apprendre tout ça avec la F Collective. »
Être auto-entrepreneuse comporte son lot de défis et de joies. « La première année, j’ai vraiment beaucoup travaillé. Il y avait tout à faire, beaucoup de choses à créer – et je manquais d’efficacité. La charge de travail était intense, mais cela m’a appris à trouver un équilibre, notamment en partant pendant des weekends malgré un emploi du temps lourd. « Je pars souvent pour quelques jours – je travaille tout le temps mais je peux aussi le faire d’ailleurs et ça fait du bien. »
La présence sur les réseaux sociaux est à la fois un atout et une contrainte pour Jeanne. « Il y a des semaines où je vais partager tout ce que je fais, et ça ne me dérange pas de sortir mon téléphone, penser à me filmer, montrer ce que je créé Et parfois je ne vais rien filmer pendant une semaine parce que ce serait un calvaire, » confie-t-elle. Cette gestion de la communication en ligne peut être épuisante, mais elle est essentielle pour la visibilité de Francosse. « C’est très fatigant de penser à toujours tout filmer – déjà qu’on fait beaucoup de choses en même temps donc si en plus on doit penser à les filmer… c’est le plus pénible. »
Lorsqu’elle a besoin de déconnecter, Jeanne n’hésite pas à le faire, bien que cela puisse avoir des répercussions sur les commandes. « Quand j’ai besoin de décrocher, je décroche. Mais je vois bien que lorsqu’on est davantage [sur les réseaux sociaux], il y a plus de commandes. »
La saisonnalité des commandes, avec des pics durant les mois d’été et les fêtes de Noël, influence également son rythme de travail.
Jeanne a une approche féministe profondément ancrée dans son travail et ses créations. « J’ai reçu une éducation féministe très ouverte grâce à ma mère, » explique-t-elle. Ses broderies célèbrent la beauté et la force des femmes, souvent représentées dans des poses libérées et impertinentes. « Je trouve ça tellement beau… c’est vraiment ce que je voulais montrer : la beauté de la femme dans sa force, son corps, etc. »
Pour Jeanne, le féminisme est un combat quotidien et essentiel. « Quand une femme me dit qu’elle n’est pas féministe, ça me choque, ça me révolte même. » Pour elle, être féministe n’est pas un débat. « Ma mère travaillait, éduquait ses enfants seule, elle était libre, cool, elle faisait ce qu’elle voulait, elle envoyait chier les mecs. Elle nous a éduqués dans des valeurs d’égalité profonde, mais de tous, au-delà du féminisme, c’était humaniste. »
En résumé, le Studio Francosse est bien plus qu’une marque de broderie. C’est l’expression d’une vision artistique et féministe, un projet né d’une passion découverte au bout du monde et nourrie par l’envie de célébrer la liberté et la force des femmes. Jeanne Causse incarne cette aventure avec une authenticité et une détermination qui se reflètent dans chaque pièce brodée à la main dans son atelier parisien.
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