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Bannière article Cancer du sein / interview de Violaine
Accompagner sa maman dans la lutte contre le cancer du sein

Mise en garde : cette fiche aborde des sujets profonds et compliqués (maladie, décès…). Sa lecture peut être difficile.

Violaine, 25 ans, est une amie de Pauline, une bénévole qui a beaucoup contribué au développement de la ReF media. Violaine a accepté de partager son témoignage. Sa maman, Émilie, est brutalement partie en juin 2022, à 50 ans, des suites d’un cancer du sein contre lequel elle luttait depuis près de quatre ans.

Sommaire

Quand et comment as-tu appris le cancer du sein de ta maman ?

Le 7 août 2018. On rentrait de vacances et ma maman avait souffert tout l’été d’atroces douleurs au dos qui se sont manifestées lors de plusieurs activités sportives. On ne s’en est pas préoccupés sérieusement avant que le moindre escalier ne devienne difficile à descendre. C’est à ce moment-là que mon père l’a emmenée aux urgences. Les radios ont détecté des cellules métastasées sur sa colonne vertébrale et ses hanches. On a d’abord vu des lésions osseuses cancéreuses. Maman a fait des examens toute la semaine, plusieurs par jour, et les nouvelles tombaient au compte-goutte, de moins en moins bonnes. On a rapidement appris que le cancer provenait du sein, mais son état, sa forme, son évolution, et les solutions pour le traiter ont été émises jour après jour, créant un sentiment d’attente interminable. Elle a fait une biopsie (un prélèvement du tissu mammaire) pour connaître son avancée : stade 4,  RH+, HER2-métastatique au niveau osseux, un des plus connus. Les douleurs du dos étaient liées au fait que le cancer s’était déjà propagé au-delà de l’épicentre (les seins), et attaquait ses zones osseuses. Les mammographies de suivi, recommandées pour toutes les femmes en France, n’avaient jusqu’ici rien détecté : lorsque les seins sont volumineux ou fibreux, elles sont en effet limitées. Seul un palpage douteux lui avait déjà fait pressentir une situation anormale, ce qui avait encouragé la gynécologue à lui prescrire une mammographie à son retour de vacances. Les douleurs de dos ont accéléré la détection de son cancer.

À quoi était dû ce cancer ?

Pendant sa bataille et jusqu’à ce jour, on n’a pu déterminer de causes pour son cancer. On lui a dit qu’il n’était ni lié à des antécédents familiaux (sa grand-mère avait eu un cancer du sein, mais en 2018, la prédisposition génétique du côté paternel n’était pas encore considérée comme un facteur aggravant – aujourd’hui si); ni à son mode de vie, puisqu’elle était la personne la plus raisonnable que je connaisse : elle ne fumait pas, ne buvait pas, faisait du sport, mangeait bio et peu sucré. Une fois le verdict tombé, elle a cherché à avoir une réponse et  comprendre l’origine de son cancer, mais ses recherches n’ont jamais rien donné. Elle est partie avec cette question “pourquoi moi ?” qui est très dure à vivre quand elle n’est pas résolue.

Comment as-tu vécu la nouvelle ?

Une nouvelle aussi inattendue et de mauvaise augure provoque un choc difficile à gérer avec une sensation que plus rien n’allait jamais être comme avant. Je l’ai appris dans un contexte personnel déjà difficile, en pleine saison estivale, sans mon frère et ma sœur. Même si je n’étais pas dupe et que je savais qu’il ne s’agissait pas d’une douleur anodine, j’étais restée sur la pensée que ma mère partait aux urgences pour un mal de dos. Quand j’ai vu mon père rentrer seul de l’hôpital, j’ai compris rapidement qu’il y avait un problème. Il a évidemment eu beaucoup de peine à m’annoncer la nouvelle, qui était à la fois si fracassante et si pauvre en informations concrètes. On ne savait pas comment réagir. Les informations tombaient une par une, jour après jour, annonçant beaucoup de problèmes mais peu de solutions. J’ai donc été sous le choc, avec la sensation d’être dans un mauvais rêve. J’étais prise d’une sidération et d’une tristesse très envahissantes, dont la gestion n’avait pas été anticipée. Je soupçonnais que le problème allait au-delà de la douleur de dos mais je n’avais jamais imaginé un cancer, je ne m’y attendais pas du tout. Ma maman est passée par plusieurs étapes de maladie et de traitements, nous sommes toujours restées très optimistes. Son état a dégénéré d’un coup, très peu de temps avant son décès.

Depuis combien de temps était-elle malade ?

On ne saura jamais depuis combien de temps ma maman était porteuse de la maladie. Les médecins se fient au résultat, et considèrent que c’est depuis août 2018. En tous cas ça devait être récent car les cancers du sein métastatiques vont rarement au-delà de 4 ans d’espérance de vie. 

Ce qui est sûr, c’est que ma maman était très sérieuse dans ses suivis médicaux, elle avait même commencé les mammographies plus tôt que l’âge recommandé (gratuit à partir de 50 ans). Le traumatisme de la perte de sa grand-mère l’a toujours poussée à être assidue dans son suivi et dans l’accompagnement d’autres proches qui ont été elles aussi touchées par la maladie.

Quels ont été les traitements et les étapes de la maladie ?

Globalement, ma maman était très réservée au sujet de la maladie et son vécu, elle voulait nous en préserver. Les traitements ont démarré très rapidement après la tombée des résultats. Pour rappel, elle était touchée par un cancer du sein  RH+, HER2-métastatique au niveau osseux, ce qui signifie qu’elle avait plusieurs zones à traiter. Le cancer du sein peut être traité de plusieurs manières, dont l’hormonothérapie, plus douce, qu’elle a choisie de septembre 2018 à janvier 2020. Un cancer du sein avec des métastases n’est pas intégralement guérissable, les femmes ne peuvent pas espérer une rémission complète, mais l’objectif est de maîtriser la maladie. Et pour éliminer les métastases osseuses, elle a également dû passer par de la radiothérapie à l’hôpital, des rayonnements ioniques qui brûlent les cellules cancéreuses. Ça a été très efficace, elles ont disparu.

L’hormonothérapie (un traitement qui vise à maîtriser les hormones féminines –œstrogènes et progestérone-  lorsqu’elles stimulent la croissance de cellules cancéreuses) avait été efficace un temps : un cancer s’adapte aux nouveaux milieux, donc les traitements ont une durée de vie limitée et il n’y en a pas tant que ça

Les premiers traitements (hormonothérapie pour que les hormones cessent de stimuler le cancer, et radiothérapie pour irradier les métastases osseuses) ont accordé un an et demi de tranquillité. Les résultats étaient impressionnants puisque rapidement positifs, la maladie était maîtrisée… Mais ce ne fut pas sans conséquences : ménopause artificielle, peau brûlée à certains endroits, et état de dépression immunitaire, la rendant vulnérable aux autres virus (elle pouvait attraper toutes les maladies). Elle a dû arrêter de travailler et de sortir puis a pu reprendre deux mois plus tard, à sa demande, grâce aux bons résultats du traitement… qui a arrêté de faire effet en janvier 2020. Elle devait régulièrement changer de traitement en raison de la nature même de l’hormonothérapie.

En plus de sa prise en charge par une équipe médicale, ma maman a été très proactive dans sa bataille. Elle a par exemple envoyé son dossier à plusieurs hôpitaux et oncologues, a participé à des essais cliniques, et a été suivie par plusieurs nutritionnistes et médecins alternatifs, qui lui ont conseillé de changer ses pratiques alimentaires ou de consommer certains produits, comme le bleu de méthylène pour réguler l’acidité de son corps, le curcuma et des épices pour les défenses immunitaires, l’arrêt de sucre… puis de glucides (plus de farine, de pain blanc)… et de certains fruits. Quand les solutions les plus terre à terre ont été épuisées, elle s’est tournée vers la religion et la spiritualité. Je pense que c’est la manière la plus graduelle que j’aurais d’expliquer la détresse de ma mère et son sentiment d’impuissance face à cette maladie suffisamment invisible pour la laisser vivre mais toujours présente et insistante. Elle a fait tout ce qu’elle a pu.

L’état de santé de ma mère a progressivement empiré en 2022, rendant tous les traitements inefficaces et menant tout droit à la catastrophe. L’hormonothérapie dispose de traitements allant du plus doux au plus fort et pour ma maman, elle a montré ses limites en janvier 2022. Elle s’est alors portée volontaire pour participer à un essai clinique, un traitement par chimiothérapie qu’elle devait effectuer à 4 heures de route de chez nous, deux fois par mois. Ce traitement s’est révélé inefficace, et elle est passée quatre mois plus tard à une chimiothérapie médicamenteuse douce, qui lui a provoqué de nombreux effets secondaires : fatigue extrême, brûlures externes (notamment aux niveau des mains et des pieds), saignements de nez et problèmes digestifs. Alors qu’on mesurait l’inefficacité des traitements, pendant ce temps, le cancer gagnait du terrain et attaquait d’autres organes comme les ganglions. Tout début juin, un dernier traitement a été tenté, en vain. Alors qu’elle était maintenue à l’hôpital pour une surveillance rapprochée, les médecins lui ont finalement annoncé qu’elle avait perdu la bataille, et qu’ils ne pouvaient plus la sauver. Elle est décédée 5 jours après l’annonce.

Comment as-tu vécu son départ ?

À vrai dire c’est tellement violent que je n’ai toujours pas pleinement réalisé. Il y a encore des jours où, au réveil, je réalise qu’elle n’est plus là. Parfois en journée, il m’arrive de fermer les yeux et revoir des images traumatisantes, difficilement contrôlables. La réalité reste très difficile à avaler, pour moi. Chacun vit son départ différemment. 

La brutalité de l’événement y est pour beaucoup : nous n’avions pas du tout  été préparés à un tel scénario. Un choc comme celui que j’ai vécu provoque un tsunami de sentiments nouveaux, parmi lesquels l’injustice, la colère et la terreur figurent au premier plan. Je ressens aussi un déséquilibre profond depuis son départ, elle qui était un pilier dans ma vie. J’ai conscience que ce n’est pas une généralité, mais je suis sidérée qu’en 2022 on puisse encore décéder d’un cancer du sein. Je suis aussi très attristée d’avoir perdu ma mère aussi jeune (moi comme elle), d’une manière aussi brutale : ça sera un traumatisme éternel avec lequel il va falloir apprendre à vivre.

Et puis, j’ai rapidement eu envie d’agir à mon échelle. En famille, selon les volontés de ma maman, nous avons lancé une cagnotte pour la recherche contre le cancer : entre son entreprise et tous nos proches, 18 000€ ont été récoltés, que mon père a ensuite reversés à l’hôpital Gustave Roussy et un hôpital spécialisé dans la recherche du cancer du sein.  Personnellement, entendre des vécus similaires au mien me plonge encore dans un état de tristesse profond, j’ai besoin de temps, mais je participe à des actions caritatives. Même si le sentiment d’impuissance reste omniprésent, participer à ce témoignage est aussi une manière d’agir, et quand je me sentirai prête, je m’engagerai dans une association qui accompagne les personnes atteintes de cancer du sein. J’ai un immense respect pour leur bataille qui passe parfois trop sous silence.

Comment faire pour accompagner une personne malade ?

Il n’y a pas une seule bonne manière de faire

Tout dépend de la situation, de la relation qu’on a avec cette personne, et de sa volonté à elle de partager son combat. Il n’y a pas une seule bonne manière de faire. Pour ma part, le partage limité des informations m’a rapidement fait comprendre que ma maman ne voulait pas que notre vie commune gravite autour de cette tragédie, volonté que j’ai toujours souhaité respecter et qui, honnêtement, m’a permis de continuer à vivre normalement sans peur quotidienne. À l’inverse, chaque conversation qui évoquait la maladie était très brutale.

Communiquer pour s’adapter à ses attentes

Avec le recul, j’aurais tendance à conseiller d’engager le dialogue pour savoir comment cette personne souhaite gérer sa maladie, de lui permettre une écoute attentive ou une épaule de temps en temps. Il est également primordial de connaître son état de santé et de ne pas contredire les résultats. La démarche bienveillante des proches qui tentent de rassurer en disant “mais non, ça n’est pas possible, il faut continuer à se battre!” en contredisant les résultats médicaux est parfois très dure à entendre pour la personne malade. Le plus important est de lui témoigner la considération qu’elle souhaite, sans chercher à changer son regard ni lui ajouter de charge mentale ou d’angoisse supplémentaire, et de l’encourager à mettre en place des actions qui lui font du bien (suivi psychologique, activité régulière). 

Respecter ses propres limites

La communication régulière reste essentielle, même avec l’entourage. Nous ne sommes pas toutes et tous égaux sur le plan émotionnel, particulièrement les enfants, dont il est difficile d’attendre le même accompagnement que d’un ou une conjointe. Dans mon cas, ma maman a souhaité m’épargner ses angoisses du quotidien, et je l’en remercie : son choix, loin d’être évident, m’a permis de grandir presque normalement. Du côté de la personne malade, il me semble important qu’elle questionne ses attentes en termes de soutien, mais n’attende pas un rôle très précis de son entourage. Il arrive que certains membres de la famille soient chargés d’une (trop) grande responsabilité par rapport à leur vulnérabilité et leur sensibilité, notamment les plus jeunes. Je recommande un suivi psychologique pour toutes et tous : le cancer est un sujet lourd, sombre et angoissant, et les discussions en famille n’offrent pas toujours toutes les réponses à nos questions. Chez nous, le peu de discussions autour de la maladie nous a protégés mais l’atterrissage fut d’autant plus brutal quand nous avons appris que la bataille était perdue.  

MERCI à Violaine de nous avoir partagé son témoignage

Merci à notre super graphiste Morgane pour la bannière !

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