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Les seins : organe sexualisé, censuré et libéré
Après avoir longtemps porté une charge maternelle et été réduits à leur fonction nourricière, les seins des femmes ont dû, au cours de l’histoire Occidentale, faire face à un autre poids : celui de la sexualisation, qui s’est fortement enracinée dans les imaginaires d’hier et d’aujourd’hui. Entre fantasmes masculins, poids des regards, contrôle et censure, la poitrine féminine peine à se détacher de l’inégale perception des corps et de la nudité. Pourtant, il se pourrait que l’émancipation des femmes passe par la réappropriation de leur corps et de leur poitrine.
Précision : cette analyse se concentre sur les seins des femmes cisgenre.

Sommaire

I. L’époque de la Renaissance : l’origine de la sexualisation des seins

1. Une nouvelle fonction donnée à la poitrine

La sexualisation du sein fémininest, selon l’historienne Marilyn Yalom1, un phénomène de société et n’est pas inné : dans diverses zones géographiques, cultures et périodes historiques, les seins étaient et sont encore parfois dépourvus de tout caractère érotique.
 
Elle explique que le tournant historique de la fonction maternelle vers la fonction érotique s’opère avec la peinture de Jean Fouquet, La Vierge de Melun (1452). Celle-ci représente la maîtresse du roi de France, Agnès Sorel, le sein nu. Sa poitrine semble davantage s’adresser au regard du spectateur qu’à l’enfant qu’elle porte, imperturbable. Cette œuvre, qui a choqué une grande partie de son public, a été jugée blasphématoire. Marilyn Yalom écrit :
La Vierge et l'Enfant entourés d'anges, Jean Fouquet, 1458

“Privé de son lien direct [à la maternité et] au sacré, le sein devint le terrain de jeu incontesté du désir masculin.”

Une nouvelle conception sociale de la poitrine naît. Sous la Renaissance (du 15ème au 17ème siècle), une distinction sociale s’effectue dans la fonction des seins : ceux des femmes appartenant aux classes supérieures sont destinés au plaisir des hommes, et ceux des classes inférieures, à nourrir les enfants. Marilyn Yalom indique que les riches mères françaises confient l’allaitement de leurs enfants à des nourrices, afin que leurs seins ne se déforment pas et pour réserver leur nouvelle fonction érotique à leurs maris. L’anthropologue Corinne Fortier, interrogée au micro d’Un podcast à soi, met en lumière la vocation biologique et “animale” de l’allaitement – lien entre tous les mammifères – assignée aux femmes pauvres, tandis que les femmes riches revendiquent le “contrôle” de l’usage de leurs seins, parfois sous l’influence importance de leurs époux.

2. Nouvelle mode vestimentaire et liberté sexuelle

Dès la fin du Moyen-Âge (15ème siècle), les codes vestimentaires, notamment avec les corsets lacés, mettent en valeur les seins, au grand malheur des moralistes et représentants d’Église qui comparent les femmes montrant leur chair à des poissonnières, des lépreuses ou des prostituées, vouées à aller en enfer. On attribue à Agnès Sorel une révolution de la mode dans les années 1440 popularisant à la cour le décolleté large, ample, laissant apercevoir la poitrine. Sous la Renaissance, le décolleté se diffuse massivement : les seins sont célébrés, mis en valeur dans les tenues, érotisés. Dans cette période de liberté sexuelle, les femmes de toutes classes révèlent leur poitrine, en particulier celles qui font commerce de leur sexe : en Italie, prostituées ordinaires et “honnêtes courtisanes” (celles qui offrent leur conversation et leurs talents artistiques en plus de faveurs sexuelles) découvrent leurs seins comme atouts pour charmer et attirer les passants.
 
Un siècle plus tard, toujours sous la Renaissance, les seins sont considérés comme des tentateurs dans un ouvrage réputé de l’époque : ils possèderaient selon l’auteur italien Agnolo Firenzuola2

“une beauté d’un tel charme, que l'œil s’y attarde même contre sa volonté”

Tout comme au Moyen-Âge, les normes de beauté de la Renaissance valorisent les seins petits, blancs, ronds, hauts et séparés, rapporte Marilyn Yalom dans Le sein, une histoire.

3. Le fantasme des seins à travers l’art

Eva Prima Pandora, Jean Cousin l’Ancien, 1550
L’érotisation de la poitrine dans la France de la Renaissance se répand à travers les œuvres des poètes, des peintres et des sculpteurs qui vouent un véritable culte aux seins. Le buste dénudé apparaît à cette époque. Comme dans presque tout l’art érotique occidental, le nu féminin est représenté par un personnage passif, dont l’esthétique est d’abord pensée pour satisfaire le regard masculin : en voici un exemple avec le tableau de Jean Cousin L’Ancien, Eva Prima Pandora (1550).
 
Alors que les rares écrits féminins conservés montrent que les femmes associent la poitrine au cœur, aux émotions, à la douleur, les hommes y voient l’objet sensuel de leur désir. Dans les représentations artistiques de l’époque, il est d’ailleurs commun de montrer une main d’homme apposée sur le sein féminin. Selon Corinne Fortier, le besoin de domination des hommes sur les corps des femmes s’explique aussi par la peur du désordre social : la liberté sexuelle des femmes peut engendrer des enfants illégitimes, c’est-à-dire hors filiation, et provoquer la destruction de la société.
 
Depuis le Moyen-Âge, et ce, jusqu’à nos jours, le culte du sein érotique marque les civilisations occidentales, en évinçant la fonction maternelle initiale les seins. Le seul changement notable au fil du temps est la transformation dans l’idéal masculin et féminin de leur volume et de leur forme. Sur le plan historique, l’érotisation des seins des femmes est essentiellement une affaire d’hommes.

“Si l’histoire s’appuyait sur les expériences subjectives des femmes, elle serait toute différente ; hélas les archives sont presque inexistantes”

Dans les œuvres conservées, le male gaze domine : les seins des femmes y sont représentés pour le plaisir des lecteurs / spectateurs, dans l’intention de les exciter, eux, pas elles.

4. Pourquoi les hommes aiment-ils les seins ?

Comment comprendre cette attirance des hommes pour les seins des femmes ? Plusieurs études et théories tentent de l’expliquer, sans qu’il n’y ait de consensus :

"Les hommes sont les seuls êtres vivants à avoir une fascination sexuelle pour les seins d'une femme",

écrit le psychologue américain Larry Young, pour qui la raison serait d’ordre neurologique. A la vue des seins, les hommes ressentiraient une connexion avec le passé, en référence à la relation mère-enfant pendant l’allaitement et l’échange hormonal qui l’accompagne. Pourtant, l’anthropologue Fran Mascia-Lees conteste cette explication : elle signale que tous les hommes ne sont pas attirés par les seins, et certains sont même indifférents à leur vue, comme dans des sociétés traditionnelles africaines. L’importance de la culture dans l’attention portée aux seins serait alors une explication potentielle (par exemple, via les publicités, les productions audiovisuelles et littéraires, les fantasmes véhiculés par l’industrie pornographique, la curiosité induite par la pudeur assignée à la poitrine féminine…).

II. Les conséquences de la sexualisation des seins aujourd’hui

1. Lorsque les seins font vendre

Dans nos sociétés patriarcales, le pouvoir érotique des seins présente des possibilités commerciales infinies.
 
Conscientes de l’outil de séduction que représentent leurs seins et de leur rôle dans leur propre estime, de nombreuses femmes, durant l’histoire, achètent tous types de produits et services pour les vêtir, les embellir, augmenter leur volume, changer leur forme… Jusqu’au 20ème siècle, les femmes portent des corsets et en fonction des idéaux des époques, aplatissent ou maximisent la taille de leurs seins. Une fois le corset banni car déformant le corps, les innovations prospèrent dans la production de sous-vêtements. Les années 1960 marquent la révolution sexuelle, qui s’accompagne du refus du soutien-gorge, ressenti comme oppressant. Alors que les années 1970 font l’éloge de la silhouette androgyne, les années 1980 se concentrent sur le fitness et les corps musclés, érotisés à travers la lingerie.
 
Campagne WonderBra, avec la mannequin Eva Herzigova, 1994. Elle est accusée de distraire les conducteurs et de causer des accidents de voiture.
Les années 1990 mettent en avant les poitrines gonflées, notamment grâce au soutien-gorge à succès Wonderbra. Jusqu’aux années 2020, une multitude de sous-vêtements se développe : différentes formes de bonnets, avec ou sans coques, armatures, matières diverses… répondant davantage aux besoins variés des femmes.
Les seins sont par ailleurs utilisés pour commercialiser tous types de produits et services. Atouts majeurs pour attirer le regard et capter l’attention des consommateurs, ils sont plébiscités – tant hier qu’aujourd’hui – aussi bien pour la vente de voitures que de lingerie fine. Par exemple, il n’est pas anodin de voir des femmes juxtaposées à des boissons à vendre, afin de suggérer “que les femmes, comme les boissons, étancheraient la soif” (selon l’interprétation de Marilyn Yalom).
 
Les seins sont partout : au cinéma, dans le mannequinat, à la télévision, sur les affiches publicitaires… parce que le sexe fait vendre, et que les seins deviennent un bien de consommation fétichisé. L’association Pépite Sexiste met en avant les campagnes qui utilisent les corps des femmes dans le but de faire vendre une marchandise sans aucun lien avec ce dernier.
Affiche publicitaire pour la liqueur Strega, par Marcello Dudovich, 1905
Affiche publicitaire pour une loupe Lesa France, 2018
On peut se demander : les femmes sont-elles les exploiteuses ou les exploitées quand elles dévoilent leurs seins pour de l’argent (spectacles, médias, pornographie, prostitution…) ? Conscientes de leur impact , elles les utilisent à leurs propres fins (en mettant par exemple en avant leur poitrine pour avoir des likes sur les réseaux sociaux). De même, en louant leurs corps aux publicitaires et producteurs, elles participent à cette industrie érotisant leur poitrine. Marilyn Yalom s’interroge :

“Où tracer la limite entre la prise de pouvoir par une femme qu’on paie pour montrer sa poitrine et la victimisation de nombre d’autres, considérées comme des objets sexuels ?”.

2. Le poids du regard masculin et le harcèlement

L’anthropologue Corinne Fortier explique que l’histoire et la société ont amené les hommes à être des sujets désirants, tandis que les femmes, érotisées, des objets de désir. Cet héritage bride, à travers leur corps, la liberté des femmes. En découle, selon Camille Froidevaux-Metterie3 , une certaine
 

“contrainte à rendre public son corps sexuel, à éprouver l’objectivation que produit l’appropriation des seins par le regard, les gestes ou les mots”

 Sous le poids du regard masculin, les femmes ne peuvent oublier leurs seins. Selon la philosophe,

"[le corps de la femme] est un corps pour autrui, un corps sexuel et maternel offert aux hommes et à la société”

D’une certaine façon, avec leurs seins, les femmes subissent une aliénation. Elles ne peuvent faire ce qu’elles veulent de leur corps sans éprouver de la gêne, de l’appréhension ou la peur d’être jugées. Pire encore, les poitrines visibles (décolleté, absence de soutien-gorge), ou les fortes poitrines (du bonnet E à au-delà) peuvent représenter des facteurs aggravant le harcèlement sexuel, selon des témoignages de femmes recueillis par Camille Froidevaux-Metterie :

“Le harcèlement de rue, c’est tous les jours ou presque. Un mec qui me croise dans la rue et qui me dit : “Toi, je te fais une branlette espagnole direct…” Et souvent, à un moment dans la conversation, il faut que quelqu’un fasse remarquer que j’ai des gros seins”.

Par ailleurs, la philosophe soulève le paradoxe de la taille de la poitrine :

“Les seins doivent être suffisamment gros pour être offerts aux regards, aux mots et aux mains des hommes, mais pas trop gros pour ne pas paraître outranciers”.

Ainsi sexualisés, les seins dévoilés pour allaiter dans l’espace public deviennent indécents. Les femmes qui le font peuvent subir du harcèlement ou de l’intimidation. Des campagnes de sensibilisation cherchent à normaliser l’allaitement en public.
Campagne d'affichage pour la marque Tajine Banane, qui dénonce les discriminations visant l’allaitement dans les lieux publics.

3. Le corps des femmes contrôlé et censuré

Le corps des femmes et plus particulièrement la poitrine, lourde de charge érotique, sont encadrés en termes d’exposition par la loi, des règlements scolaires, des arrêtés municipaux, la sentence sociale… Marilyn Yalom s’interrogeait déjà en 2010 :

“La loi se contente-t-elle de renforcer des stéréotypes sur la nature séductrice des seins des femmes et l’idée que les hommes ne peuvent se contrôler en présence de poitrines découvertes ? Ces lois sont-elles établies pour réserver les seins à la pornographie, aux films, à la télévision et à la publicité, où ils deviennent des images d’autant plus précieuses qu’ils sont cachés ailleurs ?”.

Lorsqu’il fait chaud ou qu’elles transpirent après un effort physique, les femmes ne peuvent retirer leur t-shirt comme leurs homologues masculins, sous peine de se voir rappeler à l’ordre par la police ou réprimander par une amende pour “exhibition sexuelle”. Une femme interrogée au micro d’Un podcast à soi raconte : alors qu’elle bronze seins nus dans l’herbe à côté d’un lac, la police vient lui rappeler l’arrêté municipal interdisant d’être dénudé(e) dans l’espace public. “Cela ne s’appliquait pourtant pas aux hommes, qui jouaient au foot torse nu…”. Sabrina Erin Gin rappelle, dans son Précis de culture féministe, le double standard lié à la nudité des poitrines :

“Le sein offenserait bien des pudeurs, mais uniquement s’agissant de seins féminins. Le téton mâle, lui, n’offense personne, à tel point qu’il est omniprésent dans l’espace public, y compris sur les réseaux sociaux, qui n’hésitent pas à censurer le sein féminin.”

A l’école, des règlements encadrent les libertés vestimentaires des jeunes filles. En 2020, à travers le mouvement #lundi14septembre, des lycéennes s’insurgent contre certains règlements interdisant le port des mini-jupes ou des t-shirts courts, et revendiquent leur droit de venir habillées comme elles le souhaitent. Le Ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer réagit alors : “Chacun peut comprendre que l’on vienne à l’école habillé d’une façon, disons… républicaine”, laissant place à une large interprétation humoristique. Le sondage de l’Ifop réalisé en 2020 pour le magazine Marianne interroge, par la suite, la conception d’une “tenue correcte” pour les jeunes filles. Au-delà des résultats de l’enquête, l’idée même de réaliser un sondage sur leur tenue a suscité une vive indignation sur Twitter, soulevant l’idée que le problème ne réside pas tant dans leurs tenues jugées “provocantes” que dans les regards érotiques posés sur ces femmes.
Extrait du sondage Ifop réalisé pour Marianne, sur la conception d'une "tenue correcte" pour les jeunes filles, 2020
Jeanne a été interdite d'entrée au musée d'Orsay à cause de son décolleté. • ©@MarionCanneval - Twitter
A la même période, une autre paire de seins fait polémique au Musée d’Orsay : celui d’une jeune étudiante qui se voit refuser l’entrée à cause de son décolleté. Malgré les excuses présentées par le musée, cet incident a soulevé un tollé : le corps des femmes est jugé obscène et doit donc rester caché sous peine de choquer le spectateur.

“L’ironie de la situation n’a échappé à personne : dans un musée qui abrite de nombreux nus féminins, dont L’Origine du monde de Gustave Courbet, de véritables seins (tout de même cachés par une robe) sont considérés comme indécents. Le corps des femmes n’est-il « décent » que vu par le regard d’un artiste, la plupart du temps masculin, ou lorsqu’il obéit à certains stéréotypes ?"

III. Les mouvements de lutte pour la liberté de la poitrine

Durant presque toute l’histoire de l’Occident, les seins des femmes ont été contrôlés par les hommes, rappelle Marilyn Yalom. Ce contrôle était exercé individuellement par les maris ou les amants, ou collectivement par les institutions dominées par la gent masculine comme l’Église, l’État et la médecine. Au fil des siècles, des mouvements pour l’émancipation des femmes se sont développés.

1. Le mouvement no bra

Dans les années 1960-1970, des courants féministes marquent la volonté des femmes de reconquérir leurs droits sur leur corps, en retirant leurs soutiens-gorges. Aux Etats-Unis, à cette époque, on parle de la naissance du mouvement no bra (“sans soutien-gorge”).
 
En 2020, une étude de l’Ifop révèle que 18% des Françaises de moins de 25 ans sont des adeptes quotidiennes du no bra. Quelles en sont les motivations ? La principale serait le désir de confort, suivi par des revendications politiques – surtout des jeunes – de lutte contre la sexualisation de la poitrine féminine. Camille Froidevaux-Metterie nous rappelle, dans Seins. En quête d’une libération :
“Les raisons de se débarrasser une bonne fois pour toutes des soutiens-gorges sont de divers ordres.
  • Le premier argument consiste à souligner leur nocivité pour la santé des femmes (…) – inconfort, gêne respiratoire, douleurs musculaires et mammaires. (…)
  • Le second argument concerne la prétendue nécessité de soutenir les seins. Contrairement à un préjugé répandu, la chute des seins n’est pas enrayée par le port du soutien-gorge. (…)
  • C’est lorsque les adeptes du sein libre affirment qu’abandonner les soutiens gorges permettrait de “se sentir enfin soi-même” qu’elles sont finalement les plus convaincantes.”

2. Le topless sur les plages

Certaines femmes, depuis les années 1970, font le choix du topless (fait d’être seins nus) à la plage. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann4 a étudié le phénomène de nudité sur les plages françaises :

« La plage observe et contrô­le les moindres détails. Dans le ­silence des échanges visuels et gestuels, un code de conduite extra­ordinairement précis régit la plage, et surtout les seins nus. »

Il conclut de la manière suivante : pour que les femmes aux seins nus y soient acceptées par la majorité des vacanciers, il faudrait qu’elles soient jeunes (moins de 45 ans) et possèdent des seins ni trop gros ni trop tombants.
 
Les femmes peuvent-elles bronzer seins nus, selon la loi ? Oui, car compte tenu de l’évolution des mœurs et de cet usage répandu, cela ne rentre plus dans le cadre du délit d’exhibition sexuelle. Cependant, les municipalités peuvent, si elles le souhaitent, interdire le monokini sur leur plage par arrêté municipal.
 
Une étude Ifop de 2019 révèle qu’il y aurait 1 Française sur 5 pratiquant le topless sur les plages, contre 1 femme sur 3 en 2009.

3. Nudité ou non : avoir le choix

Selon l’anthropologue Corinne Fortier, l’émancipation des femmes passe par la libération de leur corps, notamment par le fait de rompre l’esthétisation des seins permise par le port du soutien-gorge. Selon elle,

“Les femmes devraient être libres de faire ce qu'elles veulent, de mettre ou non des soutiens-gorges, des corsets, des décolletés. La liberté, c’est d'avoir le choix.”

La remise en question des conventions masculines dans l’art et une meilleure représentativité de la diversité des poitrines lui apparaît aussi essentielle : montrer des corps gros et minces, vieux et jeunes, à peau sombre ou claire, dépeindre des seins qui ne sont pas ronds, fermes, ni sains, admettre la variété des seins pour défaire le caractère obscène de certains… Les femmes portent le poids des attentes culturelles et sexuelles.
 
Et nombreuses veulent se détacher des intentions que les autres prêtent à leurs tenues. La vidéaste Swann Périssé, après avoir subi de nombreuses remarques sur ses décolletés, explique pourquoi elle montre ses seins en vidéo :

“Si je mets des décolletés, c’est parce que je me trouve belle en mettant des décolletés. (...) Moi dans mon entreprise, je mets des décolletés tous les jours, et au fur et à mesure les gens s’habituent et on arrête de me sexualiser et de me prêter des intentions qui ne sont pas les miennes. (...) Beaucoup de gens aiment se faire beaux. Personne n’aime se faire harceler. (...) Honnêtement, laissez-moi faire ce que je veux avec mes seins.”

Finalement, la poitrine peut aussi porter une autre fonction, prise par les femmes elles-mêmes : porter un message politique. C’est le choix que font les féministes FEMEN, connues pour l’exposition dans l’espace public de leur poitrine, arme de revendications.

Conclusion

Les seins des femmes supportent historiquement une charge maternelle et érotique. Interrogeons-nous alors :

“A qui appartiennent les seins ? À l’enfant qui tète, dont la vie dépend du lait de sa mère ou d’un substitut affectif ? À l’homme ou à la femme qui les caresse ? À l’artiste, qui représente les formes féminines, ou à l’arbitre de la mode, qui choisit des seins petits ou gros en fonction de la demande incessante du marché pour un nouveau style ? À l’institut de l’habillement, qui cherche à vendre un “soutien-gorge de maintien” pour les femmes âgées et des Wonderbra pour celles qui veulent montrer un décolleté pigeonnant ? Aux juges religieux ou moraux, qui insistent pour que la poitrine soit chastement couverte ? À la loi, qui peut ordonner l’arrestation de femmes allant torse nu ? Aux médecins, qui décident à quelle périodicité on doit procéder à une mammographie et quand il faut une biopsie ou une ablation des seins ? Au chirurgien esthétique qui les restructure pour des raisons purement cosmétiques ? Au pornographe qui achète le droit d’exposer la poitrine de certaines femmes, souvent dans un cadre avilissant et injurieux pour toutes les femmes ? Ou bien appartiennent-ils à la femme pour qui les seins sont une partie de leur propre corps ?"

Merci à celles et ceux qui ont répondu au sondage sur Instagram pour partager leurs avis,
et merci à nos super graphistes
Naël pour la bande dessinée, et Morgane pour la bannière !

Sources

  1. Le sein, une histoire, Marilyn Yalom, 1997
  2. Dialogue des beautés des dames, Agnolo Firenzuola, 1548
  3. Seins. En quête d'une libération, Camille Froidevaux-Metterie, 2020
  4. Corps de femmes, regards d’hommes. Sociologie des seins nus, Jean-Claude Kaufmann, 1995

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