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Selon le Larousse, le féminisme est “un courant de pensée et mouvement politique, social et culturel en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes”. Cette description regroupe tout un ensemble de courants féministes qui ont évolué dans le temps et dans l’espace, et pour lesquels la définition du féminisme peut diverger. Leur point commun : la reconnaissance d’une cause des femmes, qui subissent une dévalorisation sociale, politique, économique et symbolique. Leurs différences : 1) les origines, 2) les moyens d’action, 3) certaines idées. On parle donc plutôt des féminismes, pour retranscrire les “vagues” successives dans l’histoire et les différentes manières d’être féministe aujourd’hui.
Pour simplifier, cette fiche se concentre uniquement sur les personnes cisgenres (donc pas les personnes trans)
Keep calm : cette fiche est pleine de vocabulaire très connoté politiquement, mais tente d’être la plus impartiale possible.
Sommaire
📊 Les chiffres clés
des Français et Françaises considèrent qu’il n’existe pas une vraie égalité femme-homme en France (80% des Françaises).
Sondage YouGov, mars 2022
se considèrent féministes (54% chez les 18-24 ans) mais c’est 54% de la population totale selon une étude Statista (2019)
Sondage YouGov, mars 2022
estiment que les femmes et les hommes ne connaissent pas le même traitement dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille…).
Rapport du HCE sur l’état du sexisme en France, 2023
👀 Par ici l’explication
De la différence à l’inégalité
Les femmes et les hommes sont et ont toujours été différents. Au gré de l’histoire, ces différences ont été hiérarchisées pour justifier une supériorité des hommes sur les femmes. Le féminisme ne revendique pas la suppression de ces différences mais la suppression des inégalités liées à cette hiérarchie : des inégalités de droit, de traitement, d’accès, de choix, de liberté (pas l’idée que femmes et hommes ont autant de force physique).
Revendiquer l’égalité, c’est vouloir la même chose pour tout le monde. Prendre en compte les différences de chacun et chacune, c’est plutôt vouloir l’équité, c’est-à-dire une égalité de résultat (droits, traitement, accès…) et non une égalité de moyens.
La construction sociale : du sexe au genre
De quelles différences parle-t-on ? Certaines sont biologiques et d’autres culturelles. Les débats perdurent pour définir ce qui relève du naturel et du culturel. L’influence de l’environnement est difficile à mesurer car elle se diffuse tout au long de la vie : on parle de construction sociale. Ces différences culturelles s’auto-alimentent, à tel point qu’elles sont souvent considérées comme naturelles tant elles sont ancrées dans nos croyances. La neurobiologiste Catherine Vidal démontre qu’il n’y a pas de déterminisme biologique dans les aptitudes intellectuelles des filles et des garçons : 10% des connexions neuronales sont faites à la naissance et 90% à travers l’environnement, grâce à la plasticité cérébrale. Pour en savoir plus : quel est le rôle des hormones dans la différence des sexes ? (à venir)
C’est pour prendre en compte l’impact des normes sociales qu’aujourd’hui on parle plutôt de genre (identité construite) que de sexe (caractéristiques sexuelles à la naissance). Pour en savoir plus : qu’est ce que le genre ? (à venir)
Le patriarcat
Cette hiérarchie entre les genres masculin et féminin s’opère dans un système de société qu’on appelle le patriarcat, qui se définit comme un « type d’organisation sociale où l’autorité domestique et l’autorité politique sont exercées par les hommes chefs de famille » (CNRTL). De nos jours, ce terme est communément utilisé comme un synonyme de domination masculine. Dans les sociétés patriarcales, de manière générale, les femmes subissent des oppressions de la part d’un système dans lequel les hommes dominent (bien qu’ils puissent aussi en pâtir, dans une moindre mesure). Encore aujourd’hui, ils sont à la tête de presque tous les secteurs : politique, entreprises, haute couture, haute gastronomie, médias, etc. Pour en savoir plus : qu’est ce que le patriarcat ? (à venir) »
De quelles inégalités parle-t-on pour les femmes?
(liste non exhaustive)
Avant (France) l’interdiction de : disposer de son salaire (1907), voter (1944), travailler sans l’accord de son mari (1965), être sous contraception (1967), avorter (1975), porter un pantalon (2013 !)…
Maintenant : les féminicides et VSS (94 000 femmes sont victimes de viol ou tentative de viol par an en France), les injonctions propres aux femmes liées aux normes de beauté (minceur, pilosité, maquillage…) et à la maternité ; la représentativité (politique, économique, culturelle…), les inégalités salariales, l’accès aux hauts postes, l’hypersexualisation…
Mais aussi : l’excision, l’accès à l’éducation, à la contraception, l’interdiction de voter, d’avorter, l’obligation de porter le foulard… certains droits fondamentaux ne sont toujours pas acquis et d’autres sont remis en question
🔎 Plus concrètement
D’où vient le féminisme ?
Si les femmes ont presque toujours eu un statut inférieur à celui des hommes, elles n’en ont pas toujours eu conscience de manière collective. Au XIVe siècle, la loi Salique (qui date en réalité de Clovis) acte l’infériorité des femmes dans la société française en leur interdisant l’exercice du pouvoir, mais en 1789, elles se voient privées de toute citoyenneté avec le droit de vote “universel” (réservé aux hommes). Cette différence de traitement marque un tournant et entraîne une prise de conscience générale du statut inférieur des femmes en France, en Europe et dans le reste du monde. Des femmes et des hommes s’organisent pour revendiquer un accès égal à la vie publique (coucou Olympe de Gouges), donnant vie aux premiers mouvements féministes. Pour en savoir plus : quelle est l’histoire du féminisme ? (à venir)
Le terme “féministe”, d’abord utilisé comme une insulte vers 1870, est repris pour désigner un combat militant. Il est désormais utilisé pour qualifier rétroactivement l’ensemble des combats pour l’égalité et la liberté des sexes. Pour en savoir plus : d’où vient le mot féminisme ? (à venir)
Comment s’est il transformé ?
Traditionnellement, au gré de l’histoire, la sphère publique (la politique) était réservée aux hommes et la sphère privée (le foyer) aux femmes. Dans les années 1960 aux États-Unis, des groupes de parole de femmes mettent en lumière la dimension commune des problèmes qu’elles rencontrent dans la sphère privée. Une nouvelle revendication émerge, souvent identifiée comme la “deuxième vague” du féminisme : le privé est politique, le féminisme s’étend désormais à tous les aspects de la vie pour promouvoir la libération de “la” femme.
Par la suite, le féminisme est critiqué pour son manque d’inclusion, défendant un unique type de femme (blanche, hétéro et de classe moyenne ou supérieure), sans tenir compte des problèmes vécus par d’autres femmes, notamment non-blanches : celles-ci subissent des discriminations sexistes et racistes. Le concept d’intersectionnalité (coucou Kimberlé Crenshaw) naît dans les années 1990 pour montrer que les différentes formes d’oppression s’articulent mutuellement en fonction de son identité (genre, orientation sexuelle, handicap, âge, origines, religions…). On ne parle dès lors plus de la femme mais des femmes. Pour en savoir plus : qu’est ce que le féminisme intersectionnel ? (à venir)
Et aujourd’hui ?
Si l’égalité des droits entre les femmes et les hommes est atteinte en France, on reste loin de l’égalité de traitement et certains stéréotypes restent bien ancrés dans les mentalités. Les féministes luttent contre des violences symboliques difficiles à percevoir et continuent de combattre les violences sexistes et sexuelles, particulièrement depuis #MeToo, en encourageant l’écoute et la prise en compte de la parole des victimes.
Les féministes pointent aussi du doigt les normes sociales imposées aux hommes pour montrer qu’eux aussi ont tout à gagner à sortir d’un système qui conditionne les individus par rapport à leur genre. Les hommes étant responsables de la majorité des comportements asociaux (criminalité, accidents de la route…), faciliter leur accès dans des domaines stéréotypés féminins (le soin, l’éducation…) pourrait contribuer à une société plus harmonieuse. Pour en savoir plus : qu’est-ce que le care ? (à venir) La virilité a-t-elle un coût ? (à venir)
Toutes les personnes qui se disent féministes n’ont pas le même niveau de connaissance et / ou ne partagent pas les mêmes avis (prostitution, porno…). Parmi la pluralité des féminismes, certaines personnes se revendiquent d’un courant spécifique, ou pas (écoféminisme, féminisme intersectionnel / libéral / radical, TERF…). Pour en savoir plus : quels sont les points de divergences entre féministes ? (à venir !) Quels sont les différents courants féministes ? (à venir)
Attention : l’émancipation des femmes n’est pas le seul fait du féminisme. Le progrès technique et les contextes politico-sociaux ont énormément contribué à la libération des femmes. Cette fiche se concentre sur le féminisme : la manière dont les idées et les actions se sont organisées pour lutter contre les inégalités femmes-hommes. Pour en savoir plus : quelle place pour les femmes dans la Préhistoire ? (à venir)
💃 Définition sauce la ReF
Voici la proposition de définition “du” féminisme selon la ReF media, qu’en pensez-vous ? :
“Projet de société où l’égalité de droit et de traitement garantit à toute personne des opportunités et libertés indépendamment des constructions sociales liées à son genre”.
🎮 T’as la ref ? | Le quizz VRAI ou FAUX ?
🥽 D’autres refs à aller checker
- La série Miss America, de Dahvi Waller, 2020
- La mini bande dessinée Le féminisme, de Anne-Charlotte Husson, Thomas Mathieu
- L’essai Ne nous libérez pas, on s’en charge, de Bibia Pavard, Florence Rochefort, Michelle Zancarini-Fournel, 2020
Merci à Axelle pour la réalisation de la bannière et le graphisme !
Merci la ReF média pour ce superbe article
Merci Émilie pour ton retour ! 😀